Comment les protéines de nos cellules sont-elles synthétisées à partir de l’information présente dans l’ADN? Dans le présent article nous découvrirons que cette information est traduite en protéines par l’intermédiaire d’un ARN messager. C’est pourquoi, notre organisme « fabrique » en permanence une multitude d’ARN messagers correspondant à nos différents types de protéines (soit environ 100 000 types différents de protéines chez l’homme).
Dans les cellules où il pénètre l’ARN des coronavirus se comporte comme un ARN messager. Cette substitution permet au virus de prendre le contrôle de la machinerie assurant normalement la synthèse des protéines dans nos cellules.
Les différents élèments permettant la synthèse des protéines dans les cellules
1. L’ARN messager
Dès les années 50, plusieurs équipes de biochimistes avaient découvert qu’un ARN à courte durée de vie servait d’intermédiaire entre l’ADN et les protéines lors de leur synthèse. En 1961, deux chercheurs français, François Jacob et Jacques Monod, donnèrent le nom d’ARN messager à cet intermédiaire.
Ces ARN messagers sont présents dans toutes les cellules.
Comment ces messagers se forment-ils à partir de l’ADN ?
Sous l’action d’une enzyme appelée ARN polymérase (cercle gris) la double hélice d’ADN (les deux chaînes turquoise) s’ouvre. Durant sa progression le long de l’ADN, illustrée par la grosse flèche grise, cette enzyme associe les nucléotides précurseurs (U,G,C,A) présents dans la cellule pour former l’ARN messager (chaîne vert foncé) :

Considérons la zone de l’ARN messager en formation dans le haut du disque gris afin d’examiner l’association des bases :
Le C de l’ARN se lie au G de l’ADN
Les A A de l’ARN se lient aux TT de l’ADN
Les U U de l’ARN se lient aux AA de l’ADN
Dans l’article sur l’ADN, il était précisé que la guanine (G) et la cytosine (C) étaient reliées entre elles par trois liaisons, notées 1, 2 et 3 ci-dessous :

On peut observer des liaisons G-C entre les deux brins de la double hélice d’ADN mais aussi entre un brin d’ADN et l’ARN. D’un point de vue chimique, l’ADN et l’ARN sont extrêmement voisins.
Dans la double hélice d’ADN, l’adénine (A) et la thymine (T) sont reliées par deux liaisons . Ces deux bases ne pourront donc jamais s’associer avec une guanine (G) ou une cytosine (C) :

Lors du transfert d’information entre ADN et ARN messager, l’adénine (A) de l’ADN va former une double liaison avec l’uracile (U) :

Ainsi, l’uracile (U) présent dans l’ARN joue le rôle de la thymine (T) dans l’ADN. L’uracile et la thymine diffèrent seulement par le groupe CH3.
Ces faibles différences d’un point de vue chimique permettent l’existence d’un-va et-vient permanent d’informations entre ADN et ARN chez tous les êtres vivants.
2. Les ARN de transfert
Les ARN de transfert permettent de faire correspondre un triplet de bases (aussi appelé codon), présent sur un ARN messager, avec un acide aminé. Cette correspondance est définie par le code génétique.
Si l’on examine la structure d’un ARN de transfert, on constate la présence de deux systèmes d’attache, un pour les acides aminés et l’autre sous forme d’un triplet pour l’ARN messager :

Dans l’exemple illustré ci-dessus, l’ARN de transfert est porteur de l’acide glutamique et il va s’acccrocher au triplet GAG de l’ARN messager par l’intermédiaire de son triplet CUC.
Si l’on se réfère au tableau du code génétique, il apparaît que le triplet GAG présent sur l’ARN messager correspond à l’acide glutamique. On peut également souligner que si le triplet GAA avait été présent en lieu et place de GAG sur l’ARN messager, c’est encore l’acide glutamique qui aurait été transféré :

Dans les cellules humaines, il existe 61 types différents d’ARN de transfert pouvant se fixer aux 61 triplets (ou codons) de l’ARN messager.
Trois autres triplets (UAA, UAG, UGA) sont appelés STOP car ils codent pour l’arrêt de la synthèse des protéines sur l’ARN messager.
Les ARN de transfert ont été découverts à la fin des années 50 par une équipe de biochimistes américains animée par Paul Zamecnick.
https://www.jbc.org/content/231/1/241.full.pdf

La structure et la séquence des ARN de transfert a été mise en évidence dans les années 60 par une autre équipe de biochimistes américains animée par Robert Holley.
https://www.jbc.org/content/281/7/e7.full.pdf

Robert Holley (1922-1993)
Prix Nobel 1968
3. Le ribosome : un site de rencontres entre ARN messager et ARN de transfert
L’information présente dans les ARN messagers est traduite en protéines par assemblage des acides aminés, puisqu’à un triplet de trois bases correspond un acide aminé.
Cet assemblage s’effectue au niveau des ribosomes suite à un contact préalable entre les ARN de transfert et les ARN messagers.
Les ribosomes sont formés de deux sous-unités de taille différente :

L’ARN messager (ARNm) se positionne entre les deux sous unités.
La grande sous-unité porte deux sites de fixation.
Le site A fixe l’ARN de transfert (ARNt) portant l’acide aminé à incorporer (bille bleue).
Le site P porte la protéine en cours de synthèse (succession des billes colorées).
Les ribosomes furent découverts en microscopie electronique par Georges Palade en 1954.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2223592/pdf/59.pdf

La structure détaillée des ribosomes a été résolue par cristallographie de rayons X. Ces travaux, qui constituent une véritable prouesse technologique ont été menés par Thomas Steitz, Venkatraman Ramakrishnan et Ada Yonath.
Le prix Nobel de chimie leur a été attribué en 2009.
https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/pdf/2009/11/medsci20092511p977.pdf

Comment fonctionne cette machinerie?
Dans la vidéo ci-dessous on observe le déplacement du ribosome le long de l’ARN messager et l’enchaînement des acides aminés constituant une protéine (également appelée chaîne polypeptidique).
Plusieurs ribosomes peuvent se positionner en même temps sur un ARN messager, comme les perles d’un collier sur un fil. Cette succession de ribosomes sur un même ARN messager est appelée polyribosome.

Les ribosomes commencent la synthèse des protéines en se positionnant sur le triplet d’initiation (AUG) de l’ARN messager et la terminent au contact d’un des triplets de terminaison ou triplets STOP (UAA, UAG ou UGA). De ce fait, les protéines (rubans verts) en début de synthèse sont plus courtes près du triplet d’initiation et de plus en plus longues lorsque le ribosome se rapproche du triplet de terminaison (STOP). A la fin de sa synthèse la protéine est relarguée et le ribosome se dissocie en ses deux sous-unités (notées 40S et 60S dans le schéma).
Une seule cellule de mammifère peut contenir jusqu’à 10 millions de ribosomes et chaque ribosome peut enchaîner jusqu’à 200 acides aminés à la minute.
https://bscb.org/learning-resources/softcell-e-learning/ribosome/

Vie et mort des ARN messagers
La synthèse des protéines doit être adaptée aux besoins des organismes. Elle est donc régulée.
Quand une protéine n’est plus utile, l’ARN messager correspondant est découpé et sa synthèse à partir de l’ADN est arrêtée.
Dans une cellule de mammifère, la vie d’un ARN messager varie de quelques minutes à 24 heures suivant le type de protéines dont il porte l’information.
http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/6012/MS_2007_10_850.html
Le fragment d’ADN portant l’information pour synthétiser une protéine par l’intermédiaire de l’ARN messager est appelé gène. Chez les bactéries, un gène correspond à un seul type de protéine.
https://science.sciencemag.org/content/277/5331/1453
Dans les cellules à noyau, comme les cellules humaines, le processus est plus complexe car il fait intervenir un ARN pré-messager qui donnera naissance à plusieurs ARN messager.

De ce fait, les 23 000 gènes humains sont traduits en près de 100 000 types différents de protéines. Chaque type de protéine est ensuite reproduit en autant d’exemplaires que nécessaire.
On appelle régulation génétique les mécanismes qui permettent de moduler l’expression des gènes. Quand la synthèse d’une protéine devient nécessaire, le gène correspondant est activé et les ARN messagers sont synthétisés. Inversement, lorsque un type particulier de protéine devient inutile, le gène correspondant est réprimé et la synthèse du messager s’arrête.
Les premiers mécanismes de régulation génétique furent mis en évidence au début des années 60 par François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff.
http://www.bx.psu.edu/~anton/bioinf1-2014/jacob-monod-1961.pdf
Ils reçurent le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1965 pour « leurs travaux sur le contrôle de l’expression des gènes chez les bactéries ».

François Jacob, Jacques Monod, André Lwoff, Prix Nobel 1965
Totalement néophyte, j’ai lu tous les articles avec intérêt. Si j’ai bien compris, en dépit de toutes les réticences du grand public, vous croyez à l’avènement proche d’un vaccin efficace et sans danger ?
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